Les Bonnes recettes choisies de la cuisine Yiddish
Ce «cahier» de recettes n’a pas qu’un but gastronomique. Il est aussi une mémoire de l’écriture et du geste culinaire d’un monde perdu : le Yiddishland.
Au cours de cette promenade sentimentale où l’humour (épicé), la générosité (assaisonnée) et le langage (savoureux) accompagnent les plats, on goûtera quelques exquises évidence : la nourriture est affaire de culture autant que d’agriculture. Le cœur y a sa part autant que le corps. La cuisine, enfin, est à la fois le lieu de résistance aux intégrations et l’espace ouvert de tous les métissages.
Dans le DVD offert avec le livre, Mamie Goldé est aux fourneaux pour deux recettes. Dans tous les documen-taires culinaires, ce qui est démontré, c’est le talent du chef, condition sine qua non de l’excellence. Si, dans sa petite cuisine, Mamie Goldé cuisine un succulent Clops, elle réussit brillamment à échouer dans la confection du Leïkah’.
Drôle de film, où l’on voit que la cuisine n’est pas une science exacte, où le spectacle du quotidien triomphe sur la représentation des grands chefs et de leurs ateliers proprets et lisses, où un «raté» rime aussi avec l’humour.
À propos
Tous ceux qui sont angoissés à l’idée de se mettre aux fourneaux doivent d’urgence se procurer ce livre, et, avant même la lecture, regarder le DVD pour savoir aussi « comment réussir à échouer » et calmer l’inquiétude qui les paralyse devant tout livre de recettes. Ensuite, on peut commencer la lecture, et se délecter, non pas encore des plats, mais de l’humour. Sur chaque page de gauche figure la recette, et sur celle de droite la même recette « avec l’accent ». Exemple : « Lé clafouti au cerises », pour lequel il faut avant toute chose « çon grame de la farine, çon grame de sicre en poudre, six efs », etc. Comme le fait remarquer Jérémy Rozen, ce livre est « à placer en face des Marx Brothers et de Woody Allen, à ranger entre Barthes et Lévi-Strauss ». Et à cuisiner en riant, désinhibé, on n’échoue pas nécessairement.
Josiane Savigneau, Le Monde