La Noue, les parcs
L’historiographe, nomenclateur et écrivain réaliste autoproclamé de La Noue voit son œuvre lui échapper. Ses précédents opus ont fait de lui l’instrument idéal d’une sombre machination dont l’enjeu n’est rien de moins que le rôle de l’auteur. La créature se retourne contre le créateur : le réalisme assumé de l’auteur devient-il réalité ?
À propos
Autour du square Lénine, assommé de soleil, un scooter tourne en pétaradant. Assis dans l’herbe, Alain Gluckstein parle de son dernier ouvrage tout en faisant courir une coccinelle sur ses mains. C’est là, dans la cité de la Noue à Montreuil, que cet écrivain, également professeur de lettres classiques au lycée Jean-Jaurès de Montreuil, a planté le décor de « la Noue, les parcs – Où j’ai rêvé », dernier opus d’une trilogie consacrée à ce quartier populaire haut perché, à cheval entre Montreuil et Bagnolet.
« J’aime m’amuser en écrivant »
On y retrouve ce narrateur un peu tordu et moqueur, qui passe sa vie en jogging ou en pyjama de pilou et se gave de psychotropes. Un drôle de type qui trône à la tête d’une fratrie de neuf enfants, ses « numéros » fils et filles de différentes mamans qu’il désigne sous le terme générique d’« épouses et concubines ». Ce héros a bien « quelque chose » qui lui ressemble, avoue Alain Gluckstein dans un sourire, « mais de moins en moins au fil des tomes ». Lui-même habite le quartier depuis huit ans. Son inspiration, c’est dans les faits divers des journaux qu’il la puise et dans l’actualité municipale, qu’il écorche d’une plume affûtée.
« J’aime m’amuser en écrivant », confie-t-il, et cela se voit. Le ton est plein d’humour et de dérision. Dans ce nouveau volume, l’auteur se moque d’un historique « conflit des maires » de Bagnolet et de Montreuil. Il n’hésite pas à placer son intrigue en pleine élection municipale à Montreuil, transformant une journaliste de « Montreuil Dépêche » en espionne, et les poubelles dernier cri de la Noue, en improbable outil de fraude électorale. Il prouve là qu’au final, le quartier de la Noue, au même titre que « la montagne, l’infini de la mer ou bien Paris », est lui aussi une source d’inspiration prolifique. « Le but profond, c’est de rendre aménageable ces lieux ingrats, où l’on ne choisit pas de vivre, en les transformant par l’écriture », conclut-il.
Le Parisien